Actualité fiscalité immobilière et financière
Le délai de recours sur le rejet de remboursement de crédits de TVA
L’essentiel en bref
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Pour les séjours de moins d’une semaine, le Conseil d’État écarte la tolérance du BOFiP : la condition de « nettoyage régulier » et de « renouvellement régulier du linge de maison » ne peut plus être réputée automatiquement satisfaite par un simple ménage ou une seule fourniture de linge en début de séjour.
• La décision valide la possibilité d’une réception numérique de la clientèle (dispositif électronique, boîte à clés, etc.), à condition que le système assure réellement l’accueil, l’orientation et l’information des clients ; la seule présence d’une boîte à clés ne suffit pas.
• Les exploitants de locations meublées avec services (parahôtellerie, résidences de tourisme, coliving, résidences étudiantes ou seniors) doivent revoir leurs prestations annexes et leur documentation pour sécuriser leur régime de TVA et limiter le risque de requalification et de redressement fiscal.

François OUAIRY
- Par un arrêt du 14 novembre 2025, le Conseil d’État précise le régime contentieux du remboursement des crédits de TVA et l’articulation avec la jurisprudence Czabaj.
- La Cour juge qu’une proposition de rectification peut, dans certains cas, valoir décision expresse de rejet d’une demande de remboursement de crédit de TVA, lorsque le crédit est remis en cause pour un motif de fond.
- Même en l’absence de mention des voies et délais de recours, le contribuable doit saisir le juge dans un délai raisonnable, fixé en principe à un an à compter de la connaissance de la décision.
- Passé ce délai, le rejet devient définitif : le crédit de TVA ne peut plus être remboursé ni reporté, et ne peut plus être réclamé dans une nouvelle demande.
Le cabinet Bensaid Avocats accompagne les entreprises dans la sécurisation de leurs crédits de TVA, la gestion des réclamations contentieuses et la préparation des contrôles fiscaux.
1. Les faits et la procédure : le parcours du crédit de TVA
Référence : CE, 9e et 10e ss-sect. réunies, , Société Penn Ar Bed.
La société Penn Ar Bed avait sollicité le remboursement d’un crédit de TVA de 69 263 € au titre du 4e trimestre 2017. Ce crédit figurait régulièrement sur ses déclarations de TVA.
À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration a remis en cause l’existence de ce crédit dans une proposition de rectification datée du 28 septembre 2018. Cette proposition exposait, sur le fond, les motifs pour lesquels le crédit n’était pas justifié.
La société n’a pas saisi le juge dans l’année suivant cette proposition. En revanche, elle a :
- reporté ce crédit sur ses déclarations ultérieures ;
- et déposé de nouvelles demandes de remboursement en janvier 2020 puis en janvier 2021.
L’administration a rejeté ces nouvelles demandes au motif que le crédit initial avait déjà été écarté à l’occasion de la proposition de rectification de 2018, laquelle devait être regardée comme une décision expresse de rejet.
La cour administrative d’appel de Versailles a confirmé cette analyse et jugé la demande tardive. La société s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’État, en contestant à la fois la portée de la proposition de rectification et l’application d’un délai de recours en l’absence de mention des voies et délais.
2. La proposition de rectification comme décision expresse de rejet
Le cœur du litige résidait dans la nature juridique de la proposition de rectification. Selon la société, ce document n’aurait pas eu, par principe, de caractère décisoire s’agissant de la demande de remboursement du crédit de TVA.
Le Conseil d’État rejette cette analyse et confirme la position des juges du fond : une proposition de rectification peut constituer une décision expresse de rejet de la réclamation contentieuse (demande de remboursement du crédit), dès lors que deux conditions sont réunies :
- la vérification de comptabilité et la proposition de rectification font directement suite à la demande de remboursement ;
- la proposition remet en cause l’existence même du crédit pour un motif de fond clairement exposé.
Dans une telle configuration, la proposition de rectification ne se borne pas à « préparer » une future décision : elle solde le débat sur le crédit en le rejetant sur le fond. Elle a donc la nature d’une décision de rejet, de sorte que le contribuable doit, s’il entend la contester, saisir le juge dans les délais de recours contentieux.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence déjà ancienne en matière de crédits de TVA : lorsqu’un rejet explicite, fondé sur l’annulation du crédit pour un motif de fond, devient définitif, il fait obstacle à toute nouvelle demande de remboursement ou d’imputation portant sur le même crédit. À l’inverse, un rejet fondé sur un simple défaut de pièces laisse la possibilité de régulariser et de redemander le crédit.
3. Le « délai raisonnable » de recours : transposition de Czabaj au contentieux TVA
La société Penn Ar Bed soutenait que la proposition de rectification de 2018 ne mentionnait pas les voies et délais de recours, de sorte qu’aucun délai ne pouvait lui être opposé pour saisir le juge.
Le Conseil d’État rappelle d’abord la règle de principe :
- en matière de contentieux fiscal, le délai de deux mois prévu par l’article R.199-1 du LPF ne court que si la décision de rejet mentionne les voies et délais de recours, conformément à l’article R.421-5 du CJA ;
- à défaut de cette information, le contribuable ne peut se voir opposer ce délai de deux mois.
Mais, dans le prolongement de la jurisprudence Czabaj, la Haute juridiction juge que l’absence de mention des voies et délais de recours ne signifie pas pour autant que le contribuable pourrait agir sans limite de temps.
Au nom du principe de sécurité juridique, le Conseil d’État considère que le recours doit être exercé dans un délai raisonnable, qui, sauf circonstances exceptionnelles, est fixé à un an à compter de la date à laquelle le contribuable a eu connaissance de la décision. En l’espèce, ce point de départ correspond à la réception de la proposition de rectification de septembre 2018.
La société ayant attendu bien au-delà de ce délai d’un an pour contester le rejet de son crédit, son action était tardive. Le rejet initial devait donc être regardé comme définitif, ce qui justifiait le refus des nouvelles demandes de remboursement présentées en 2020 et 2021.
4. Conséquences pratiques pour les contribuables et leurs crédits de TVA
Cet arrêt renforce la nécessité d’une vigilance accrue dans la gestion des crédits de TVA et de leurs demandes de remboursement.
1. Traiter une proposition de rectification comme une décision potentielle de rejet
Dès lors qu’une proposition de rectification remet en cause, pour un motif de fond, un crédit dont le remboursement a été demandé, elle doit être appréhendée comme une décision de rejet. Le contribuable ne peut plus considérer que le débat sur le crédit reste « ouvert » et que de nouvelles demandes ultérieures permettront de contourner ce rejet.
2. Un crédit de TVA peut être définitivement perdu
Une fois le délai d’un an expiré, le contribuable ne peut plus :
- obtenir le remboursement du crédit écarté pour des motifs de fond ;
- en demander le report sur ses déclarations ultérieures ;
- se prévaloir d’un droit au report ou à l’imputation dans le cadre d’une nouvelle réclamation.
Le crédit de TVA devient, en pratique, irrémédiablement perdu, alors même qu’il avait été régulièrement déclaré et, parfois, reporté sur plusieurs périodes. L’idée selon laquelle un crédit de TVA déclaré ne « disparaît jamais » connaît donc une limite importante lorsqu’une décision de rejet sur le fond est devenue définitive.
3. Distinction clé : rejet de fond vs rejet pour défaut de pièces
L’arrêt confirme l’importance de distinguer deux hypothèses :
- Rejet de fond : l’administration conteste l’existence ou le montant du crédit. Le rejet définitif empêche toute nouvelle demande portant sur ce crédit.
- Rejet pour défaut de justificatifs : la demande est rejetée faute de pièces. Le contribuable conserve en principe la faculté de redéposer une demande une fois les justificatifs réunis, sous réserve des autres délais applicables.
En pratique, il est indispensable d’identifier clairement la motivation exacte des décisions relatives aux crédits de TVA pour mesurer le risque de « fermeture » définitive du dossier.
5. Q&A : points de vigilance pour les entreprises
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Une proposition de rectification peut-elle valoir rejet d’une demande de remboursement de crédit de TVA ?
Oui. Lorsque la proposition de rectification fait suite à une demande de remboursement et remet en cause pour un motif de fond l’existence du crédit, elle peut être regardée comme une décision expresse de rejet. Le contribuable doit alors exercer un recours dans un délai raisonnable pour contester ce rejet. -
Quel délai s’applique si la décision ne mentionne pas les voies et délais de recours ?
Le délai contentieux de deux mois ne court pas en l’absence de cette mention. Toutefois, en application de la jurisprudence Czabaj, le contribuable doit agir dans un délai raisonnable, en principe d’un an à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la décision (par exemple, la réception de la proposition de rectification). -
Peut-on déposer une nouvelle demande de remboursement sur le même crédit après un rejet devenu définitif ?
Non, pas lorsque le rejet initial repose sur un motif de fond et est devenu définitif. Dans ce cas, le contribuable ne peut plus demander ni le remboursement, ni le report, ni l’imputation du crédit en cause. Il ne peut pas davantage le faire valoir au titre d’une nouvelle réclamation. -
Qu’en est-il si le rejet initial porte uniquement sur un défaut de pièces justificatives ?
Lorsque la décision de rejet se fonde exclusivement sur un défaut de justificatifs, le contribuable conserve en principe la faculté de régulariser sa situation et de déposer une nouvelle demande de remboursement, sous réserve du respect des autres délais légaux. La logique est différente d’un rejet sur le fond. -
Quelles bonnes pratiques mettre en place pour sécuriser les crédits de TVA ?
Il est recommandé de : cartographier les crédits de TVA significatifs et les demandes de remboursement, suivre systématiquement les décisions et propositions de rectification qui les affectent, analyser leur nature juridique (décision de rejet ou non) et anticiper les recours dans le délai d’un an. Un accompagnement par un cabinet spécialisé permet de sécuriser ces enjeux.
6. Conclusion : sécuriser ses recours sur les crédits de TVA
L’arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2025 constitue une étape importante dans la construction du régime contentieux des crédits de TVA. Il étend par ailleurs l’exigence du délai raisonnable d’un an au contentieux du remboursement des crédits de TVA, même en l’absence de mention des voies et délais de recours.
Pour les entreprises, l’enjeu est concret : une inaction prolongée peut entraîner la perte définitive d’un crédit significatif, alors même qu’il avait été régulièrement déclaré. La gestion proactive des demandes de remboursement, des réponses de l’administration et des délais de recours devient un volet à part entière de la stratégie de trésorerie et de sécurité juridique.
Le cabinet Bensaid Avocats, et en particulier Me François Ouairy, avocat fiscaliste au barreau de Paris, accompagne les entreprises et groupes dans :
- la structuration de leurs demandes de remboursement de crédits de TVA ;
- l’analyse des décisions et propositions de rectification susceptibles de valoir rejet ;
- la définition d’une stratégie de recours sécurisée dans les délais ;
- et la préparation ou la conduite du contentieux devant les juridictions administratives.
Cet arrêt invite à ne plus considérer le crédit de TVA comme une créance « indéfiniment mobilisable », mais comme un droit qui doit être défendu en temps utile pour être préservé.
« Jonathan BENSAID a développé une importante pratique dans les opérations de fiducies et de financements complexes. Ce savoir-faire permet à la clientèle du cabinet d’obtenir un large accompagnement en obtenant une structuration complète des projets, notamment en matière immobilière. »


