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TVA et locations meublées : l’arrêt du Conseil d’État du 12 novembre 2025 durcit le régime parahôtelier

 

 

L’essentiel en bref

  • Pour les séjours de moins d’une semaine, le Conseil d’État écarte la tolérance du BOFiP : la condition de « nettoyage régulier » et de « renouvellement régulier du linge de maison » ne peut plus être réputée automatiquement satisfaite par un simple ménage ou une seule fourniture de linge en début de séjour.

    • La décision valide la possibilité d’une réception numérique de la clientèle (dispositif électronique, boîte à clés, etc.), à condition que le système assure réellement l’accueil, l’orientation et l’information des clients ; la seule présence d’une boîte à clés ne suffit pas.

    • Les exploitants de locations meublées avec services (parahôtellerie, résidences de tourisme, coliving, résidences étudiantes ou seniors) doivent revoir leurs prestations annexes et leur documentation pour sécuriser leur régime de TVA et limiter le risque de requalification et de redressement fiscal.

François OUAIRY

François OUAIRY

  • Le BOFiP TVA sur les prestations d’hébergement parahôtelier et les locations meublées a été précisé après l’arrêt du Conseil d’État du 12 novembre 2025.
  • Pour les séjours de moins d’une semaine, la simple réalisation d’un ménage initial ou la seule fourniture de linge en début de séjour ne suffisent plus, à eux seuls, à satisfaire la condition de « nettoyage régulier » et de « renouvellement régulier du linge ».
  • Le Conseil d’État valide, en revanche, la possibilité d’une réception numérique de la clientèle (systèmes électroniques, boîte à clés) dès lors que le dispositif assure réellement l’accueil, l’orientation et l’information des clients.
  • Les exploitants de résidences de tourisme, locations meublées type Airbnb, coliving ou résidences services doivent adapter leurs offres et leur documentation pour sécuriser leur régime de TVA parahôtelière et limiter le risque de redressement.

Le cabinet Bensaid Avocats accompagne les acteurs de l’hébergement dans la mise en conformité de leurs pratiques (contrats, documentation commerciale, contrôle fiscal).

Contexte : BOFiP et régime TVA des locations meublées

Le 4° de l’article 261 D du CGI exonère en principe de TVA les locations de logements meublés à usage d’habitation. Cette exonération s’applique aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières, qu’il s’agisse de locations meublées classiques, de baux d’habitation ou de locations meublées de longue durée.

Toutefois, certaines prestations d’hébergement sont imposables de plein droit à la TVA, car elles sont assimilées à des prestations hôtelières ou parahôtelières. Il s’agit :

  • des prestations d’hébergement dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (parahôtellerie) au sens du b du 4° de l’article 261 D du CGI ;
  • des locations de logements meublés à usage résidentiel assorties de services annexes, au titre du b bis du 4° de l’article 261 D ;
  • des locations de locaux nus ou meublés consenties à un exploitant qui réalise lui-même ces prestations taxables (hôtelier, parahôtelier, résidence services, etc.), en application du c du 4° de l’article 261 D et de l’article 260 D du CGI.

Les commentaires administratifs récents, publiés au BOFiP (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20) et mis à jour au 26 mars 2025, détaillent les critères permettant de qualifier une activité de parahôtellerie : le prestataire doit notamment proposer à la clientèle, pour des séjours n’excédant pas 30 nuitées, la mise à disposition d’un local meublé accompagnée d’au moins trois des quatre services annexes suivants :

  • la fourniture du petit déjeuner ;
  • le nettoyage régulier des locaux ;
  • la fourniture de linge de maison avec renouvellement régulier ;
  • la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

L’enjeu est double : d’une part, bénéficier de la déduction de la TVA sur les investissements immobiliers (acquisition, travaux, mobilier), et d’autre part, éviter un redressement en cas de requalification en location meublée exonérée. C’est dans ce contexte que s’inscrit la décision du Conseil d’État du 12 novembre 2025, qui vient encadrer la portée des commentaires du BOFiP sur deux services clés : le nettoyage et le linge de maison, ainsi que sur la réception de la clientèle.

Décision du Conseil d’État du 12 novembre 2025

Référence : CE, 8e – 3e ch. réunies, , n° 498267, Syndicat des professionnels de la location meublée.

Le Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM) attaquait les commentaires administratifs publiés le 7 août 2024 au BOFiP (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20). La requête visait spécifiquement :

  • la remarque du paragraphe 80 relative au nettoyage des locaux pour les séjours de moins d’une semaine ;
  • la remarque du paragraphe 90 relative au linge de maison pour ces mêmes séjours ;
  • et, plus largement, certaines précisions du paragraphe 100 concernant la réception de la clientèle, notamment lorsqu’elle s’appuie sur un dispositif électronique et une boîte à clés.

1. Conformité à la directive TVA et à l’article 261 D du CGI

Le Conseil d’État rappelle d’abord le cadre européen de la TVA sur les locations immobilières : l’article 135 de la directive 2006/112/CE prévoit l’exonération de la location de biens immeubles, mais exclut de cette exonération les opérations d’hébergement effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire. Les États membres doivent donc réserver l’exonération aux activités qui ne remplissent pas les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, afin d’éviter des distorsions de concurrence.

En droit interne, l’article 261 D, 4° du CGI, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2024, transpose cette logique en maintenant l’exonération des locations meublées à usage d’habitation, tout en soumettant à la TVA :

  • les prestations d’hébergement para-hôtelier répondant à des conditions de durée et de services annexes ;
  • les locations meublées à usage résidentiel assorties de services (résidences étudiantes, seniors, coliving, etc.) ;
  • les locations de locaux consenties à des exploitants réalisant ces prestations.

2. Nettoyage régulier et fourniture de linge : annulation des « remarques » BOFiP

Les paragraphes 80 et 90 du BOFiP précisent que le nettoyage régulier des locaux et la fourniture de linge de maison supposent une prestation réalisée au début du séjour, complétée par une proposition de renouvellement régulier en fonction de la durée du séjour (par exemple, une fréquence hebdomadaire).

L’administration avait toutefois ajouté une tolérance spécifique pour les séjours de moins d’une semaine (cinq nuits maximum) :

  • pour le nettoyage, la condition était réputée satisfaite si un ménage unique était effectué avant l’arrivée du client ;
  • pour le linge de maison, la condition était réputée remplie si le linge était fourni une seule fois au début du séjour.

Le Conseil d’État valide la logique générale du BOFiP : il est légitime de tenir compte de la durée du séjour pour apprécier la régularité du nettoyage et du renouvellement du linge. En revanche, il sanctionne la formulation selon laquelle, pour les séjours de moins d’une semaine, ces conditions seraient automatiquement remplies dès lors qu’un service est fourni une seule fois avant l’entrée du client.

En d’autres termes, pour les courts séjours, l’administration ne peut pas considérer que la simple prestation pré-séjour suffit en toutes circonstances. Il faut examiner, au cas par cas, si l’offre de services de l’exploitant remplit réellement la condition de « nettoyage régulier » et de « renouvellement régulier du linge de maison » au regard des fonctions du secteur hôtelier.

3. Réception de la clientèle : validation de la réception numérique

S’agissant de la réception, même non personnalisée, de la clientèle, le paragraphe 100 du BOFiP définit ce service comme la capacité à accueillir, orienter et informer le client sur son logement et les services disponibles. Cette réception peut être assurée :

  • dans un lieu physique distinct du logement ;
  • par un système de communication électronique (téléphone, plateforme numérique, application mobile, etc.) ;
  • sans présence permanente, par exemple sur des plages horaires prédéfinies.

Le Conseil d’État valide l’exemple selon lequel un prestataire peut proposer à ses clients un choix entre :

  • un accueil physique avec remise des clés en main propre ;
  • et un accueil dématérialisé via un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés dans une boîte à clés sécurisée.

La Haute juridiction souligne que la doctrine ne se borne pas à ériger la seule présence d’une boîte à clés en critère suffisant : ce qui importe est l’existence d’un véritable dispositif de réception (information, orientation, gestion des arrivées), dont la boîte à clés n’est qu’un élément matériel. Sur ce point, la position de l’administration est jugée conforme à l’article 261 D du CGI.

Portée pratique pour la parahôtellerie et les locations meublées

La décision du 12 novembre 2025 a un impact direct sur les exploitants de résidences de tourisme, d’appart’hôtels, de locations meublées de courte durée (type Airbnb ou location saisonnière), de coliving et de résidences services qui souhaitent bénéficier de la TVA parahôtelière.

1. Courts séjours : des critères de services annexes plus exigeants

Pour les séjours de moins d’une semaine, l’arrêt confirme que :

  • il ne suffit pas de prévoir un ménage unique avant l’arrivée pour satisfaire la condition de nettoyage régulier ;
  • la simple fourniture d’un jeu de draps et de serviettes en début de séjour ne suffit pas, à elle seule, à caractériser un renouvellement régulier du linge ;
  • l’exploitant doit pouvoir démontrer une offre effective de ces prestations pendant le séjour, adaptée à la durée, et disposer des moyens organisationnels nécessaires pour les fournir.

Concrètement, un opérateur qui entend se placer dans le champ de la TVA devra revoir :

  • ses conditions générales de vente et ses contrats de location meublée ;
  • ses brochures commerciales, son site internet et son livret d’accueil ;
  • ses procédures internes (planning de ménage, externalisation à un prestataire, gestion du linge, traçabilité des prestations).

2. Réception numérique : sécuriser les parcours clients dématérialisés

L’arrêt valide la possibilité de recourir à une réception dématérialisée (check-in en ligne, boîte à clés, application mobile, centre d’appels, etc.), ce qui est déterminant pour les nouveaux modèles d’hébergement (coliving, résidences étudiantes, locations meublées « auto-check-in »).

Pour que ce service soit qualifié de réception de la clientèle au sens de l’article 261 D, le dispositif doit permettre :

  • un accueil effectif (prise de contact, gestion des arrivées et départs, assistance) ;
  • l’orientation du client vers son logement et les espaces communs ;
  • la communication des informations essentielles (règlement intérieur, sécurité, services annexes, contacts utiles).

La simple mise à disposition d’une boîte à clés, sans parcours d’accueil ni information structurée, reste insuffisante pour satisfaire ce critère. Là encore, la documentation contractuelle et opérationnelle de l’exploitant est au cœur de la conformité TVA.

3. Risque de requalification et contrôles fiscaux

L’administration fiscale est particulièrement attentive aux montages consistant à se placer artificiellement dans le champ de la TVA pour déduire la taxe sur un immeuble à usage d’hébergement (acquisition, travaux, mobilier) alors que les services offerts s’apparentent en réalité à une location meublée exonérée.

En cas de requalification, les enjeux financiers sont significatifs :

  • remise en cause de la déduction de TVA sur l’immeuble (avec mécanismes de régularisation) ;
  • rappel de TVA collectée sur les loyers, assorti le cas échéant d’intérêts de retard et de pénalités ;
  • risques connexes en matière de fiscalité des revenus (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu, cotisations sociales).

Le Cabinet Bensaid Avocats, reconnu pour son expertise en TVA, fiscalité immobilière et fiscalité de l’hébergement, recommande aux acteurs du secteur de procéder à un audit de leurs offres (contrats, prestations, documentation) à la lumière de cet arrêt afin de sécuriser durablement leur position TVA.

Q&A : questions fréquentes sur la TVA parahôtelière

  • Quelles conditions doivent remplir les locations meublées pour être soumises à la TVA parahôtelière ?
    Pour être taxée de plein droit à la TVA, une location meublée doit correspondre à une prestation d’hébergement assimilable à l’hôtellerie : séjours proposés pour une durée n’excédant pas 30 nuitées, mise à disposition d’un local meublé et fourniture d’au moins trois des quatre services annexes suivants : petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison avec renouvellement régulier et réception, même non personnalisée, de la clientèle.
  • Pour un séjour de trois ou quatre nuits, un nettoyage avant l’arrivée suffit-il pour être qualifié de parahôtelier ?
    Non. Le Conseil d’État a annulé la partie du BOFiP qui considérait que, pour les séjours de moins d’une semaine, la condition de nettoyage régulier serait automatiquement satisfaite par un simple ménage initial. L’exploitant doit démontrer que son offre de service prévoit un nettoyage en cours de séjour ou, à tout le moins, qu’elle répond à un standard hôtelier adapté à la durée du séjour.
  • La seule fourniture d’un jeu de draps et de serviettes à l’arrivée suffit-elle pour le critère de linge de maison ?
    Non plus. La condition de renouvellement régulier du linge de maison ne peut pas être réputée remplie uniquement parce qu’un jeu de linge est fourni en début de séjour. L’exploitant doit proposer un renouvellement pendant le séjour, selon une fréquence compatible avec les usages du secteur hôtelier.
  • Une boîte à clés suffit-elle à caractériser la réception de la clientèle ?
    Non, pas à elle seule. En revanche, un dispositif combinant une réception dématérialisée (contact électronique, informations complètes transmises au client, assistance) et la mise à disposition des clés via une boîte sécurisée peut constituer une réception, même non personnalisée, de la clientèle, dès lors qu’il permet réellement l’accueil, l’orientation et l’information des clients.
  • Quels sont les principaux risques en cas de non-conformité aux critères de la TVA parahôtelière ?
    En cas de contrôle, l’administration peut requalifier l’activité en location meublée exonérée, remettre en cause la déduction de la TVA sur l’immeuble, réclamer des rappels de TVA collectée et appliquer des pénalités. Une revue des contrats et des prestations annexes est donc essentielle pour sécuriser le régime de TVA choisi.

Conclusion : sécuriser son régime de TVA parahôtelière

L’arrêt du Conseil d’État du 12 novembre 2025 impose une lecture plus stricte des critères de nettoyage régulier et de renouvellement du linge, même pour les séjours les plus courts. Les exploitants ne peuvent plus se prévaloir de la seule tolérance doctrinale pour considérer ces conditions comme automatiquement remplies par un service initial unique.

Parallèlement, la décision confirme l’ouverture offerte par le législateur et l’administration pour la réception numérique de la clientèle, dès lors que le dispositif mis en place assure concrètement l’accueil, l’orientation et l’information des clients, et s’inscrit dans une logique de concurrence avec le secteur hôtelier.

Dans ce contexte, il est essentiel pour les acteurs de la parahôtellerie, des résidences de tourisme et des locations meublées avec services de :

  • vérifier la cohérence entre leurs pratiques opérationnelles et leurs documents contractuels ;
  • documenter de manière précise la réalité des services annexes fournis ;
  • anticiper les contrôles fiscaux en sécurisant en amont le régime de TVA retenu.

Le cabinet Bensaid Avocats, et en particulier Me François Ouairy, avocat fiscaliste au barreau de Paris, accompagne les investisseurs, exploitants et gestionnaires d’actifs immobiliers dans la définition et la sécurisation de leur stratégie TVA appliquée aux locations meublées, résidences services et activités para-hôtelières, en intégrant cette nouvelle jurisprudence et les évolutions du BOFiP.

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