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TVA
TVA facturée à tort : un nouvel axe de défense pour les entreprises
La mention de la TVA sur une facture délivrée à un redevable ouvre droit, en principe, chez ce dernier, à une déduction tandis que la taxe devient exigible chez l’émetteur.
Mais, en vue de prévenir les fraudes susceptibles de se produire en ce domaine, il est fait échec à cette règle en cas de facturation erronée ou d’opérations fictives.
En effet, en l’absence de régularisation d’une facturation fictive ou de complaisance de la TVA, deux conséquences se dessinent :
– la TVA facturée à tort reste exigible ;
– le client ne peut pas déduire la TVA mentionnée à tort.
Dans une décision du 30 janvier 2024, la CJUE tempère cette règle en estimant que l’employé utilisant les données de son employeur pour émettre de fausses factures est redevable du montant de TVA mentionné.
Article rédigé avec Badra ABDERREHIM
Le Cabinet est reconnu comme ayant une « Forte notoriété » en TVA.
Les faits : un salarié à l’origine d’une fraude à la TVA
Entre 2001 et 2014, une société assujettie à la TVA se livrait à la vente de carburants au détail dans une station-service polonaise gérée par une salariée. Au cours d’un examen fiscal, il a été constaté que de janvier 2010 à avril 2014, l’entreprise avait émis 1 679 factures représentant un montant de TVA ne correspondant pas à de réelles livraisons de biens, pour un total équivalent à 319 254 euros.
En effet, sous les ordres de la salariée gérante, des employés de la station-service récupéraient d’anciennes factures dans la corbeille à papier de la société, afin de les utiliser pour en établir de nouvelles. Des justificatifs de paiement étaient ensuite conservés dans la chaufferie de la station pour garantir que les factures fictives ne dépassaient pas les quantités de carburant réellement vendues par l’entreprise.
Ces fausses factures étaient établies sous un format différent des factures légales, utilisant les données de l’entreprise et l’indiquant comme émetteur, mais sans être transmises au service de comptabilité. Tous les employés impliqués, sous les ordres de la gérante, bénéficiaient de ce système en recevant une rémunération basée sur les quantités de carburant indiquées dans les fausses factures.
Les factures frauduleuses émises sans le consentement ni la connaissance de la direction de la société, étaient vendues par le gérant à d’autres assujettis. Ces derniers utilisaient les montants des fausses livraisons de carburant pour réduire la TVA afférente, sans que l’équivalent soit versé aux caisses de l’État. Il s’agit d’un cas assez classique de fraude fiscale liée à un défaut de surveillance. Ces faits ont donné lieu à un redressement fiscal pour l’entreprise.
Décision de la CJUE : la TVA facturée à tort n’est pas due si le salarié est à l’origine de la fraude à la TVA
La CJUE a été saisie de deux questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 203 de la Directive TVA énonçant que « la TVA est due par toute personne qui mentionne cette taxe sur une facture ».
Pour rappel, la TVA mentionnée sur une facture est due par l’émetteur de cette facture, y compris en l’absence de toute opération imposable réelle. Cette disposition s’applique dès lors que la TVA est facturée à tort, et qu’il existe un risque de pertes de recettes fiscales du fait que le destinataire de la facture pourrait faire valoir son droit à déduction. Dans le cas présent, il est établi qu’il existe un risque de perte de recettes fiscales.
Selon la Cour, il serait contraire à l’objectif de lutter contre la fraude à la TVA de considérer l’émetteur apparent d’une facture frauduleuse comme « la personne mentionnant la TVA » lorsque :
- cet émetteur est de bonne foi ;
- l’administration fiscale reconnaît l’identité réelle de la personne ayant émis la fausse facture.
Si ces deux conditions sont remplies, c’est la personne réellement responsable de l’émission frauduleuse de la facture qui doit être considérée comme la personne mentionnant la TVA. En conséquence, l’entreprise n’est plus remboursable de la Taxe et le redressement fiscal n’est plus justifié.
Des précisions sur la notion de bonne foi dans le cadre d’une TVA facturée à délit
La CJUE juge l’employeur de bonne foi lorsque :
- le salarié d’un assujetti à la TVA a émis une fausse facture mentionnant la TVA en utilisant l’identité de son employeur ;
- à l’insu de ce dernier (sans son consentement).
Par exception, l’assujetti n’ayant pas fait preuve de la diligence raisonnablement requise pour contrôler les agissements dudit salarié reste redevable de la TVA facturée à délit.
En conclusion : un nouvel axe de défense pour les entreprises redressées pour une TVA facturée à tort
Le 4° de l’article 283 du Code général des impôts qui précise que lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d’une marchandise ou à l’exécution d’une prestation de services, ou fait état d’un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l’acheteur, la taxe est due par la personne qui l’a facturée.
Selon l’administration fiscale, ces dispositions doivent être interprétées strictement, car l’objet de ces textes est de prévention et de réprimer des manœuvres frauduleuses portant sur la facturation de la TVA.
Cette décision ouvre donc la voie à un nouvel axe de défense pour les entreprises redressées pour une TVA facturée à tort.
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